vendredi 27 mai 2016

Obligations statutaires des EC : Le juge administratif définit la notion de cours magistral

Après la sélection en master c’est la distinction entre cours magistral (CM) et Travaux dirigés (TD) qui fait l’objet d’une décision du tribunal administratif de Lyon du 9 mars 2016. Pierre Dubois l’a publiée ce matin sur son blog.

Une UFR de l’université Lyon 2 avait décidé (à l’unanimité moins une voix) que les cours de master 2 dont l’effectif était inférieur à 40 étudiants seraient considérés comme des TD et payés comme tels. Plusieurs collègues qui avaient contesté cette décision ont obtenu gain de cause. Est-ce à dire que les « CM payés en TD » sont illégaux ? Non.

D’abord parce que le problème est, justement, qu’il n’existe aucune définition du cours magistral ou des travaux dirigés. On ne peut donc payer l’un pour l’autre puisqu’on ne sait pas ce qu’est l’un et ce qu’est l’autre.

Les obligations de service d’enseignement des enseignants-chercheurs sont définies par le Décret de 1984 et un « référentiel national d’équivalences horaires »  approuvé par un arrêté du 31 juillet 2009 selon un volume annuel d’heures en présentiel ou à distance. Cette obligation d’enseignement est de 128 heures de cours magistral, 192 heures de travaux dirigés ou toute combinaison équivalente. Si les volumes horaires sont ainsi définis, il n’en est pas de même pour les notions de CM et de TD. Ce sont donc les universités qui, en pratique, ont été contraintes de le faire. 

Comme à Lyon, les universités ont généralement retenu un critère quantitatif. Dans mon université la première décision du conseil d’administration date de mai 2007 ; elle a été modifiée en juin 2012.  Le critère quantitatif a un intérêt pédagogique. Nombreux sont ceux qui estiment que les cours magistraux constituent une méthode pédagogique obsolète et l’absentéisme massif ne leur donne pas tout à fait tort. Il faut donc limiter les cours magistraux au profit de cours en petits effectifs, mais en master 2 l’argument ne tient pas puisque la sélection limite les effectifs à quelques dizaines d’étudiants*.

L’intérêt du critère quantitatif est alors économique. L’impact financier, substantiel, dépend du nombre d’étudiants. Si l’effectif total ne dépasse pas celui d’un TD (entre 40 et 50 étudiants selon les établissements), payer en TD plutôt qu’en CM est avantageux ; du moins pour l'université. En revanche, si l’effectif est plus important c’est l’inverse car il faut dédoubler les groupes et donc le nombre d’heures à rémunérer explose.

Il y a un dernier aspect qui entre en ligne de compte : l’équilibre entre formations à petits effectifs et formations à gros effectifs, entre licences et masters. Le critère quantitatif de rémunération permet de ne pas mettre l’essentiel des moyens sur les masters au détriment de la licence. Il permet aussi aux universités de maintenir des formations dans des disciplines « rares » ou des masters à très petits effectifs qu’elles ne pourraient plus assumer. La baisse des dotations d’enseignement depuis 20 ans explique en partie cette difficulté, mais pas seulement. La réforme du LMD, qui a semestrialisé les cours a également pesé, de même que les nouveaux formats de formation imposés par le ministère. La suppression récente des « M2 suspendus », par exemple, a obligé les établissements à créer des M1 là où il n’y en avait pas et réduit les mutualisations. L'IGAENR qui s'est penchée sur la question a la fâcheuse tendance d'oublier cette responsabilité des ministres successifs.

C’est ce critère quantitatif qui est contesté par le tribunal qui donne sa définition d’un cours magistral et des travaux dirigés. Elle se compose de deux éléments, un élément quantitatif et un élément qualitatif. D’un point de vue quantitatif, un cours magistral est « normalement destinés sans obligation de présence à l’ensemble de l’effectif théorique des étudiants du cursus concerné ». Les travaux dirigés sont quant à eux « normalement destinés à un effectif plus restreint d’étudiants soumis à une obligation de présence ». Mais, comme le souligne l’adverbe « notamment », ce critère numérique n’est pas déterminant. C’est le critère qualitatif, la nature des enseignements, qui définit CM et TD. Pour le juge lyonnais, un cours magistral est « un enseignement théorique donné sous la forme d’un cours didactique exclusif de toute participation des étudiants », tandis que les travaux dirigés sont « un enseignement permettant d’appliquer, sous forme notamment d’exercices, les connaissances acquises lors des cours magistraux, et comme incluant la participation des étudiants ». C’est cette absence de définition dans la délibération de l’UFR de Droit qui justifie la censure.

On peut considérer que cette définition renvoie à une vision surannée de l’enseignement supérieur ; les magistrats ont du quitter l’université il y a quelques années. Mais, en pratique, les conséquences sont limitées. Dans le cadre des habilitations, les universités avaient pris l’habitude de donner un cadrage sur le ratio CM/TD. Avec le nouveau dispositif d’accréditation décidé par Geneviève Fioraso, le ministère exige que l’établissement démontre la soutenabilité financière du diplôme. A l’inverse, le ministère ne demande plus les fameuses « maquettes », », cette liste de cours avec un volume horaire et la nature, CM ou TD, de l’enseignement par semestre. Cela permet au ministère de ne pas s’engager sur le financement des formations accréditées. Dès lors, rien n’empêche une université de considérer que 100% des enseignements doivent être assurés en TD, pour des raisons pédagogiques par exemple. Il revient ensuite aux enseignants-chercheurs de configurer leurs enseignements en fonction de cette exigence en préparant, soit un « cours didactique exclusif de toute participation des étudiants » soit « un enseignement permettant d’appliquer  les connaissances acquises ».

La seconde situation concerne les décisions de conseils d’UFR, comme dans le cas présent, ou de conseil d’administration qui fixent un seuil de rémunération en TD. Si le critère est exclusivement quantitatif, le dispositif n’est pas légal. Mais là encore, rien n’empêche l’université de prendre une délibération pour considérer, comme dans le cas précédent, qu’en deçà d’un certain seuil d’étudiants l’enseignement doit être participatif et comporter, notamment, des exercices. Les maquettes n’étant pas contractuelles, les universités peuvent les modifier à leur convenance. Les CEVU, pardon, les « Commissions de la formation et de la vie universitaire des conseils académiques » (vive la simplification selon Fioraso !) vont avoir un peu de travail !

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*On fera remarquer, au passage, aux lecteurs de cette chronique que lorsque les enseignants-chercheurs se battent pour défendre la sélection en master, ils ne sont pas motivés par des préoccupations mercantiles puisqu’ils sont moins bien payés que s’il n’y avait pas de sélection !

3 commentaires:

  1. Merci d'avoir signalé cette décision. En revanche, la conclusion me laisse perplexe : si l'arrêté date effectivement de 1989, les taux horaires ont été revus depuis à de nombreuses reprises (en 2010 pour la dernière fois me semble-t-il). Dans sa version initiale, l'arrêté du 6 novembre 1989 prévoyait une rémunération de 310,64 F (47,35 €) pour les CM et 207,17 F (31,58 €) pour les TD. Dieu merci, les choses ont un peu évolué depuis...

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    1. Il ne faut jamais faire confiance aux magistrats :-))
      Vous avez parfaitement raison: l'arrêté cité par le juge de Lyon a été modifié, en dernier lieu, en décembre 2010 et le taux a été indexé pour l'avenir sur le point d'indice. J'ai supprimé le paragraphe. Merci.

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  2. Peut-être y a t-il ci et là des enseignements payés en CM, pour des groupes de taille modeste (10-15), et comme il n'y a pas de TD d'accompagnement, on fait des exercices en CM. Les étudiants aiment bien, d'ailleurs. C'est assez cool d'être payé en CM pour ça, et ça fait des petits tas de copies à corriger.

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