lundi 15 février 2016

Sélection en master: un statu quo qui ne règle rien

Au risque de lasser mes lecteurs, voici une quatrième chronique sur la sélection en master. Vous trouverez les précédentes ici et encore là. Samedi, Thierry Mandon a précisé sa pensée dans une interview donnée à Educpros: ce sera le statu quo. Belle ambition que de conserver un système presqu'unanimement décrié!

Avec le statu quo, le secrétaire d'État est certain de fâcher tout le monde, l'UNEF qui s'accroche à un principe qui conduit de facto à une sélection par l'échec en L3 ou M1, la Fage qui souhaite instaurer une "orientation active" à la fin de la licence, les universitaires qui refusent de voir leur travail dévalorisé et leurs efforts pour donner prestige et qualité aux masters réduits à néant, les écoles qui ne savent plus dans quelles conditions elles pourront maintenir leurs concours d'entrée dans leurs cycles de formation ouvrant sur le grade de master.


Il y a de quoi être surpris de l'improvisation qui semble prévaloir au ministère. Car enfin, à la décharge de Thierry Mandon, le problème ne date pas d'hier. Comme le rappelait Pierre Dubois dans une de ses chroniques en 2014, Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez, Geneviève Fioraso, toutes et tous connaissaient le risque! Geneviève Fioraso, avec le courage et l'ambition qui ont caractérisé son ministère,  avait préféré minorer la difficulté devant l'Assemblée Nationale en agrégeant des données pour masquer l'ampleur du phénomène.


Certes, pendant quelques années, les ministres avaient encore l'excuse de l'interprétation de la loi. L'avis du Conseil d'État n'est pas exempt de critiques et on pouvait considérer que la sélection était possible en M2. Mais cela fait des mois que les juges administratifs contestent cette interprétation et sanctionnent les universités. Nous n'aurons pas ici la méchanceté de rappeler les propos de Thierry Mandon annonçant en septembre que la question serait réglée... à Noël. On nous annonce maintenant un décret pour le mois d'avril, mais je crains que nous chantions bientôt la chanson de Malbrough à propos de ce décret : "il reviendra à Pâques, ou à la Trinité / ou à la Trinité!". Quant à Najat Vallaud Belkacem, son silence est assourdissant comme à chaque fois qu'il y a une difficulté à régler dans le SUP.

Car le statu quo annoncé par le secrétaire d'État ne règle rien. Au contraire, il soulève de nouvelles questions. Et d'abord qu'entend-on par statu quo? Le ministère va-t-il faire la liste de tous les M2 sélectifs en France? Ce serait en effet le statut quo, mais le décret annoncé, ou son annexe, auront tout de l'annuaire du téléphone. Au moment où le ministre prétend faire oeuvre de simplification pour les formations le message serait contradictoire. Et puis pourquoi considérer comme sélectifs des M2 qui, de fait, acceptent 100% des dossiers déposés?

Thierry Mandon va-t-il, comme le laisse entendre le journal Les Echos, se diriger vers une sélection restreinte à certaines disciplines: droit, psychologie, biologie, management? Ce serait alors instaurer dans toutes les autres disciplines une hypocrite sélection par l'échec. La pression qui s'exerce sur le M2 va bien au-delà de ces quatre disciplines. Pour ne prendre que l'exemple de mon université, je pourrais citer le LEA, la psychanalyse, la géographie et la géomatique, le cinéma, les arts du spectacle, l'info-com, le développement social...

Autre question, le décret autorisera-t-il la sélection au niveau du M1 qui est pratiquée par certaines universités ? A priori non. Ces universités devront donc renoncer à cette sélection plus précoce au profit d'un M2 couperet ce qui passera difficilement pour un progrès!

Et je n'évoque ici que les universités. Que dire des écoles d'autant que plusieurs d'entre-elles relèvent de la tutelle de plusieurs ministères: industrie, culture, agriculture, etc... Chaque ministre va-t-il co-signer le décret au risque de ralentir encore le processus?

Mais ce n'est pas tout. Ce que le Conseil d'État consacre dans son avis c'est la notion de cycle. Un master est un continuum de formation nous dit-on. Si cette notion de cycle explique que l'on ne puisse sélectionner en M2, alors elle a une autre conséquence: l'étudiant ne peut suivre le M2 que s'il a suivi le M1. La notion de cycle interdit donc toute mobilité au niveau du M2. La seule possibilité qui subsiste, éventuellement, c'est celle d'un transfert soumis à l'accord des deux universités, sortante et entrante, transfert qui ne pourra être accepté que lorsque tous les étudiants du M1 auront été pris dans le M2. Le ministère risque donc de créer un système qui fige l'enseignement supérieur français tout en mettant en situation d'échec des étudiants de M1 qui ne seront pas acceptés dans le M2. Alors que les étudiants rédigent leurs candidatures dans différents M2 pour la rentrée prochaine il n'est plus temps de tergiverser.

L'avis du Conseil d'État oblige à trancher: soit la sélection par l'échec, soit la sélection en M1. Mais pour trancher, il faut du courage et de l'ambition et l'ambiance délétère de fin de règne dans laquelle nous vivons n'incite pas à l'optimisme sur ce point.

1 commentaire:

  1. Mandon et ses lâches sbires n'oseront pas toucher aux 42 mentions de Master de Paris-Saclay qui instaurent la sélection à l'entrée du M1
    https://histoiresduniversites.wordpress.com/2016/02/10/paris-saclay-selection-en-m1/

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