jeudi 21 janvier 2016

"Simplification" du SUP : les propositions pour la Formation

En l’absence de thématique générale sur la gouvernance de l’enseignement supérieur et de la recherche dans la consultation organisée par le secrétaire d’État, les deux premières propositions sont les mêmes pour tous les items puisqu’elles sont un préalable à tout processus de simplification et à tout progrès.

Proposition n°1 Avoir une politique claire et ambitieuse pour l’enseignement supérieur en France

Force est de constater que la France n’a plus ni politique ni ambition sur l’enseignement supérieur depuis des années. Une vision à court terme, comptable et clientéliste, l’a remplacée et se perd dans des règles tatillonnes pour masquer sa vacuité. Simplifier c’est d’abord clarifier, clarifier le rôle, les missions de l’enseignement supérieur en affirmant une ambition et en se donnant les moyens de son ambition.

Proposition n°2 Nommer un ministre compétent à même de porter l’ambition du SUP

De la poule et de l’œuf, peut-on expliquer l’absence d’ambition pour le SUP en France par l’incompétence des ministres qui se sont succédés à sa tête ou l’absence d’ambition pour le SUP explique-t-elle la nomination de ministres incompétents sur le sujet ? Dans les deux cas, la simplification du SUP suppose d’avoir une ambition portée par un gouvernement et un ministre crédible, conditions rarement réunies depuis le début de la Vème République.

Proposition n°3 Garantir le financement des formations permettant la délivrance de diplômes d’État


L’habilitation exige une annexe financière mais l’État ne s’engage plus sur cette annexe. Il convient aujourd’hui de redonner à cette annexe financière un caractère contractuel pour chaque formation habilitée.

Pour « simplifier » la formation et s’assurer de l’effectivité des décisions prises, le coût sera défini à partir de critères objectifs : heures à effectuer, niveau des intervenants, taux d’encadrement, surfaces disponibles, capacités d’accueil pour chaque université.

Proposition n°4 Supprimer le RNCP pour protéger les jeunes des abus du business de l’éducation

Le fichier RNCP est devenu un risque majeur pour tous les jeunes qui souhaitent se former et plus encore pour les plus fragiles. Censé présenter l’offre de formation professionnelle en France, il était surtout destiné à donner aux collectivités territoriales, aux chambres de commerce et au MEDEF un moyen de promotion des formations non diplomantes qu’ils commercialisaient à travers la commission nationale de la certification professionnelle en charge de la tenue de ce fichier.

En pratique le RNCP, qui n’opère aucun contrôle effectif sur la qualité des formations, sème la confusion entre des formations publiques et privées soumises à un strict contrôle de qualité par le biais d’habilitations ou d’accréditations et des formations douteuses placées sur le même plan.

Le RNCP est ainsi détourné par des officines mercantiles peu scrupuleuses qui abusent de la méconnaissance des jeunes en proposant des formations « reconnues par l’État », « certifiées par l’État » ou, pire encore, des formations « niveau master ». L’affaire des « faux étudiants chinois » dans une école de commerce parisienne a encore illustré ces dérives récemment.

Pour « simplifier » et clarifier l’offre de formation en France et protéger les jeunes les plus en difficultés on ne peut plus continuer à fermer les yeux sur les dangers du RNCP pour satisfaire quelques lobbies. Une réforme du RNCP ne pouvant améliorer la situation il convient de supprimer purement et simplement ce fichier non seulement inutile mais nuisible pour la clarté de la formation en France.

extrait d'une publicité dans l'affaire des "faux étudiants chinois"


Proposition n°5 Rendre l’offre de formation en master plus lisible en supprimant la notion de « Grade »

Les masters ont profondément transformé l’offre de formation des universités, notamment en favorisant la professionnalisation de haut niveau des études universitaires. Or là aussi l’État a entretenu la confusion pour complaire à certains lobbies à travers la double notion de « diplôme » et de « grade ». Si le diplôme de master est un diplôme d’État sanctionnant une formation universitaire de qualité, on a vu se multiplier les diplômes non-universitaires permettant la délivrance du « grade » de master.

Mme Fioraso a bien prétendu « clarifier » l’offre de formation en créant une nomenclature des licences et des masters, mais elle n’a pas osé s’attaquer au cœur du problème : la multiplication à l’infini de formations plus ou moins exigeantes offrant le « grade » de master.

« Simplifier » l’offre de formation c’est donc se préoccuper des vrais enjeux pour clarifier l’offre de formation en supprimant la notion de « grade » pour faire du master un diplôme d’État exclusivement. Il conviendra ensuite, de permettre la création d’autres formations en complément des masters.

Proposition n°6 Revaloriser la licence et la maîtrise pour régler la question de la sélection en master

Depuis deux ans les contentieux se multiplient autour de la question de la sélection en master sans, d’ailleurs, que la ministre et le secrétaire d’État n’aient le courage de trancher la question. La sélection est une nécessité pour garantir la qualité de formation des masters ; la supprimer fera perdre tout intérêt à ces formations. Pour autant on comprend la détermination des étudiants à intégrer un master, gage d’une insertion professionnelle de qualité. On ne pourra sortir de ce débat qu’en diversifiant l’offre de formation et en revalorisant d’autres formations.

À la fin du XXème siècle, le funeste processus de Bologne et une fascination  assez irrationnelle pour le système éducatif anglo-saxon ont conduit les gouvernements à dévaloriser la licence et à abandonner quasiment la maîtrise pourtant reconnue dans de nombreux pays. Cette stratégie a privé les étudiants de formations de qualité et les employeurs d’un niveau de recrutement intermédiaire.

Pour « simplifier » l’offre de formation en conservant un haut niveau d’exigence sur les masters tout en répondant aux attentes des étudiants en terme de qualification et de professionnalisation il convient de revaloriser la licence et la maîtrise pour que ces formations offrent des débouchés complémentaires et une bonne insertion professionnelle à tous les étudiants.

Proposition n°7 S’extraire du Processus de Bologne et réviser la notion d’ECTS

En voulant faciliter la mobilité et la reconnaissance mutuelle des formations, le processus de Bologne n’a abouti, comme le RNCP, qu’à introduire de la confusion dans les formations et les a privées de tout contrôle de qualité.

Dans la nouvelle version signée par Thierry Mandon juste avant sa nomination comme secrétaire d’État, plus aucun contrôle n’est exercé sur la délivrance d’ECTS. N’importe quel organisme peut délivrer les ECTS qu’il veut pour n’importe quelle formation.

Cette nouvelle orientation qui répond aux attentes des acteurs du business de l’éducation, fait perdre tout intérêt aux ECTS puisque les universités et écoles européennes ne peuvent plus se fier à ces crédits pour apprécier un niveau de compétence ou de qualification. Le système n’a donc plus aucun intérêt et devient même dangereux pour les jeunes qui risquent de s’engager dans des formations coûteuses en croyant obtenir des « ECTS » qu’ils ne pourront valoriser.


« Simplifier » la formation c’est donc constater l’échec du processus de Bologne qui n’a conduit qu’à la suppression de la Maîtrise et au renoncement à tout critère de qualité pédagogique pour les ECTS sans améliorer la reconnaissance mutuelle des formations en Europe.

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