mardi 12 décembre 2017

Le privé échappe (provisoirement) à ParcourSup


Mais quelle ingratitude ! Vous qui lisez mon blog vous savez à quel point je fais mon possible pour accompagner les gouvernements successifs sur l’ESR depuis 4 ans et corriger leurs erreurs stratégiques et techniques. J’ai même proposé d’être ministre du SUP pour aider le président ; c’est dire ! En plus je fais ça bénévolement, le week-end ou en soirée au lieu de regarder tranquille un épisode de « Plus belle la vie ». Vous me direz, si on en croit notre président, je ne perds rien à ne pas suivre les émissions du service public à la télévision. Mais enfin tout de même !

Prenez la réforme de l’entrée en licence, je me décarcasse à faire des chroniques sur mon blog, j’explique que les frais d’inscription vont augmenter pour les néo-bacheliers non boursiers et les doctorants salariés, que les « attendus »  sont vaseux et je dis « Attention le projet de la ministre s’applique à toutes les formations », même à celles des établissements privés qui n’étaient pas sur APB ! Tout en félicitant la ministre pour cette grande ambition, je flaire l’erreur de plume : comment organiser en 3 mois une sélection via le successeur d’APB pour toutes les formations y compris celles qui ont leur propre processus de recrutement ?

Alors je fais quelques messages sur twitter pour la Conférence des Grandes Écoles, le ministère de l’enseignement supérieur, Thierry et Jimmy … Pas de réaction. Il est vrai que j’étais un peu seul pour écrire ça. Saisi pour avis, le Conseil d’État ne s’en est pas inquiété et je n’ai pas trouvé beaucoup d’écho dans la presse. Ah si ! Pour les frais d’inscription des néo-bacheliers non boursiers, Jimmy a répondu par un tweet que ce serait corrigé. Originale la politique 2.0, où les EC commentent les projets de loi sur un blog et où les syndicats étudiants annoncent les corrections sur les réseaux sociaux à la place de la ministre.

Et la semaine dernière j’écoute les débats de la commission de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi. C’est ennuyeux comme un rapport du Conseil Économique Social et Environnemental et insipide comme un plat décongelé. Le député Attal a trouvé la technique pour commettre moins d’erreurs que ses prédécesseurs : il ne dit rien. Mais alors rien. Trois éléments de langage sur «une opportunité pour les étudiants », « permettre la réussite de tous », «Personne n’est pour le tirage au sort » et c’est tout. Si le député Attal veut se renouveler un peu lors des débats en séance publique aujourd’hui on peut lui suggérer d’autres aphorismes: « la pluie ça mouille », «Le jour ce n’est pas la nuit », « mieux vaut être heureux que malheureux ».

Au moins fait-il œuvre utile en corrigeant les fautes d’orthographe du projet de loi signé par Frédérique Vidal et Edouard Philippe. Les « formations de l’enseignement supérieure » (sic) sont remplacées par les « formations de l’enseignement supérieur ». Quand on exige des étudiants au titre des « attendus » de maîtriser l’expression écrite, sortir un texte au JO avec des fautes ça fait désordre. Et puis quand même, le député Attal annonce porter 3 amendements.

Pour ceux qui connaissent le fonctionnement du Parlement c’est un classique. Le gouvernement doit toujours laisser 2 ou 3 modifications au rapporteur pour donner l’illusion d’un débat démocratique. Là, de toute façon, comme le texte évolue au fur et à mesure de la découverte des problèmes, autant confier le soin au rapporteur d’annoncer les corrections. La seule exigence : ne pas montrer que le gouvernement s’est trompé.

Donc le député Attal se lance et annonce 3 amendements. L’un portera sur l’exigence d’un cadrage national des « attendus ». Ça tombe bien le ministre a justement demandé aux doyens de bosser le sujet. Et puis prévoir que pour entrer à l’université il faut savoir lire, écrire et compter, ça n’engage à rien et ça fait plaisir à tout le monde.

Un autre amendement portera sur la modification de la fameuse contribution sociale « culture/sport/vie de campus ». Pas question de modifier l’usine à gaz qui consistera à faire encaisser les droits par les universités pour les reverser aux CROUS qui devront les reverser aux universités… En revanche, comme l’a dit Jimmy, les néo-bacheliers seront exonérés.

Entre les deux, le député Attal a glissé un petit amendement. Il précise : « le second amendement que je vous proposerai touche au périmètre de cette nouvelle plateforme puisqu’on sait que sur la plateforme APB l’ensemble des formations de l’enseignement supérieur n’était pas représentées ». Pour le rapporteur cela entrainait un problème de lisibilité du système pour les jeunes et favorisait les dérives en permettant aux candidats ayant postulé sur des filières sélectives de « sécuriser » des places dans le système APB. Certes. C’était même une obligation pour tous les bacheliers généraux (la fameuse « pastille verte ») afin d’éviter qu’ils se retrouvent sans formation à la rentrée. Mais non, c’est une tare pour le rapporteur.

Le député Attal continue ensuite : « Il m’a semblé important de proposer là aussi que l’ensemble des formations du supérieur puissent être présentes sur cette plateforme pour l’admission de leurs candidats ». Alors un instant je me suis dit « non ce n’était pas une erreur de plume, toute inscription dans le SUP passera par « parcoursup » comme le prévoit le projet de loi ». Mais dans ce cas, pourquoi amender le projet de loi alors que, justement, il prévoit que TOUTES les formations, publiques comme privées, passent par « parcoursup » ? Il faut lire l’amendement. Le texte de l’article L.612-3 du code de l’éducation est modifié. Au lieu de « l’inscription dans une formation du premier cycle est précédée d’une procédure nationale de préinscription », le député Attal propose d’écrire « l’inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d’une procédure nationale de préinscription ». Mais l’amendement fait exactement le contraire de ce que prétend le député?

Il ne s’agit pas de présenter sur la plateforme l’ensemble des formations du supérieur, mais seulement celles des établissements publics ! L’amendement propose également d’ajouter un article L.613-3-2 nouveau pour inscrire sur « parcoursup » « les formations dispensées par un établissement privé sous contrat d’association ou par un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général ou l’inscription dans toute formation conduisant à la délivrance d’un diplôme national de l’enseignement supérieur ou d’un titre ou diplôme de l’enseignement supérieur ».

Bref ce que propose le rapporteur c’est… le retour à APB. Sur le fond c’est assez logique tant l’ambition universelle du projet de loi était irréaliste. Mais dans ce cas, plutôt qu’un gros mensonge, à défaut d'un merci, un peu de franchise aurait honoré les rédacteurs. C’est ça aussi la « nouvelle politique ». Là elle ressemble furieusement à l’ancienne.

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