dimanche 22 février 2015

Lettre ouverte au député socialiste qui m'a insulté


Mise à jour le 23 février 2015 : loin de s'excuser, le député Gagnaire a bloqué mon compte Twitter. Surtout ne pas rendre compte! Drôle de conception de la responsabilité pour un élu.


Mise à jour 22 février 2015, 22h45: le Who's Who vient de publier le tweet ci-dessous.


Monsieur le député Gagnaire, monsieur le vice-président de la région Rhône-Alpes

Hier, vous avez jugé bon de m’insulter copieusement sur les réseaux sociaux, me traitant successivement de beauf, de fat, puis, précision erronée (1), de fat « dans son acception provençale » c’est-à-dire, dans votre esprit, de « sot », tout en me menaçant de diffamation et en mettant en doute mon activité d’enseignant-chercheur.


Ce florilège a laissé paraître un trait peu glorieux de votre personnalité. Venant d’un élu de la République, député, vice-président du conseil régional Rhône-Alpes, on s’attend à une certaine hauteur de vue, pas à des injures, pas à la calomnie. Venant d’un élu socialiste, on s’attend encore à un certain respect du débat démocratique qui vous faisait cruellement défaut hier.

Mes torts ? Être intervenu dans la polémique sur les diplômes de Geneviève Fioraso, pour relayer les informations parues dans la presse et surtout pour avoir montré que sa biographie mise en ligne sur le site internet du ministère avait été modifiée dans l'urgence pour effacer toute référence à des « cours d’économie » tout en laissant, nouvelle maladresse, la référence à des enseignements en « zone prioritaire » entre 1975 et 1978 alors que les zones prioritaires d’éducation ont été créées en 1981 par Alain Savary.

Oui, monsieur le député, les diplômes témoignent d’un certain mérite, même s’il est bien d’autres façons d’être méritant, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les universitaires y sont attachés. C'est aussi la raison pour laquelle d’aucuns s’en prévalent faussement. 

Oui, Monsieur le député, Mme Fioraso a avantageusement présenté son CV. Certes, ce n’est pas la seule. D’autres se prévalent, par exemple, d’une licence ou d’une maîtrise en précisant « certificats », terme dont le sens est obscur si l’on ne précise pas le nombre de certificats obtenus. Certes, toujours, ce problème n’est pas propre à la classe politique française et se rencontre dans toutes les couches de la société, en France et ailleurs dans le monde. Mais le fait que la pratique serait fréquente ne l'excuserait pas pour autant. Et Mme Fioraso est secrétaire d'État à l'enseignement supérieur.

Je ne sais qui remplit les notices du Who’s who, puisque l’erreur viendrait de là ; l’éditeur affirme que les notices sont « le fruit d’un travail commun entre la rédaction du Who’s who et la personne concernée ». Ce qui est certain, c’est que Mme Fioraso a, bien avant d’être ministre et depuis 2007 au moins, laissé dire qu’elle avait deux maîtrises en anglais et en économie, qu’il est difficile de croire qu’elle n’ait jamais lu les articles publiés par La Tribune, Libération, Educpros, que les explications embarrassées de son cabinet ne tiennent pas, et qu’à la suite de l’article de Mediapart, le site internet du ministère a été modifié dans l'urgence samedi midi pour faire disparaître la référence à des cours d’économie.

Oui, on exige une plus grande exemplarité des hommes politiques et oui, cette question de CV est très secondaire, comme le rappelle fort justement le SNESUP, au regard du drame que constitue la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche que Mme Fioraso a mise en oeuvre.

Je critique le bilan de Mme Fioraso comme ministre. J’estime qu’elle n'a pas porté un projet ambitieux pour l’enseignement supérieur, que la loi qui porte son nom est mal écrite et mal pensée et que sa politique favorise une confusion dangereuse entre les intérêts privés ou les intérêts de certains groupes de pression et l'intérêt public.

Je peux comprendre, monsieur le député, que vous soyez proche de Mme Fioraso de par votre mandat local au conseil régional Rhône-Alpes et de par votre projet politique. Je peux comprendre que cette nouvelle maladresse de Mme Fioraso et de ses équipes à un moment où on la dit souffrante  vous affecte. Mais ces sentiments personnels ne devraient pas obérer votre jugement, ni vous pousser à tenir des propos qui ne vous honorent pas. Et si les critiques de l'action de Mme Fioraso vous choquent, monsieur le député, c'est avec des arguments qu'il faut convaincre et non par l'invective et la menace. C'est cela l'honneur d'un élu et plus encore, à mon sens, d'un élu socialiste.

Votre dévoué
Yann Bisiou



(1) Le mot « fat » ne figure pas dans le vocabulaire provençal. Il est dérivé du mot « fada », le simplet, et c’est en entrant dans la langue française au XIIIème siècle que le terme « fat » apparaît pour désigner un sot.

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