jeudi 24 avril 2014

COMUE : le ministre de l’agriculture modifie la LRU2

Je commencerai cette nouvelle chronique en citant la déclaration de Mme Blandin devant le Sénat  : « Désormais, en France, on encadre le fonctionnement de l’université dans les lois agricoles... »
Et bien oui ! Après avoir bafouillé sur un texte rédigé par je ne sais qui devant l’Assemblée Nationale en janvier, c’est à coup de « D’après ce que l’on m’a expliqué » et de « si j’ai bien compris » que Stéphane Le Foll, toujours ministre de l’agriculture du nouveau gouvernement Valls, a fait modifier la LRU2 Fioraso votée en juillet dernier [voir l’intervention du ministre : JO déb. Sénat, 15 avr. 2014, p.3132].
« On » lui a donc dit, à M. Le Foll, que la LRU2 de Mme Fioraso était mal fichue. « On » lui a dit qu’il fallait la changer et il pense donc qu’il faut la changer, M. Le Foll, même s’il ne sait pas vraiment pourquoi. Mais si « on le lui a dit » à M. le ministre de l’agriculture, c’est « qu'on » a une bonne raison…
Il n’aurait pourtant pas été inutile que M. Le Foll cherche à comprendre ce « qu’on » lui demandait de défendre car les modifications en question n’ont rien d’anecdotiques. Que supprime le texte pastoral dans le code de l’éducation ?

D’abord il supprime une bourde monumentale de Mme Fioraso que la technicité de la rédaction juridique ne permet pas de cacher : pour le fonctionnement des COMUEs la LRU2 de Mme Fioraso renvoyait à des chapitres… introuvables !

L’article L.718-7 voté en juillet dernier prévoyait d’appliquer aux COMUES : « les chapitres Ier, III et IV du livre VI de la présente partie » ; un jeu de piste qui ne débouche... sur rien.

Le Livre VI de la troisième partie législative du code de l’éducation compte en effet 8 « titres » et donc 8 « chapitres 1er »,  7 « chapitres III » et 5 « chapitres IV » ! En plus, ces dispositions n’ont absolument rien à voir avec les établissements d’enseignement supérieur, elles concernent l’organisation des enseignements.

C’est en réalité au Livre VII du code de l’éducation qu’il fallait renvoyer ; quand on utilise des chiffres romains, il ne faut pas se tromper dans les bâtons... Le titre 1er du livre VII s'applique bien aux EPSCP avec un chapitre 1er consacré aux « principes d’autonomies » des EPSCP, le chapitre 3 aux «composantes des universités » et un chapitre 4 aux « services communs ». Voilà au moins une correction pertinente et c’est bien connu, il n’y a que les imbéciles qui ne font pas d'erreur.

Ensuite, et cette fois il s’agit d’une modification substantielle, le texte supprime le seuil posé en juillet par le Parlement pour la constitution des listes de candidats au conseil d’administration. Pour garantir un minimum de représentation des différents établissements membres, le Parlement avait exigé que les listes de candidats « assurent la représentation d’au moins 75% des établissements membres ». Dans une COMUE avec 5 universités et 6 organismes de recherche, il fallait que les listes enseignants, IATOSS et étudiants comprennent chacune des candidats issus de 4 universités. Dans l’hypothèse où se grefferaient 2 écoles,  il fallait que les candidats proviennent d’au moins 6 établissements sur 7.

Tout cela n’est plus nécessaire avec la nouvelle rédaction. Les listes peuvent être constituées exclusivement de membres d’un établissement. Organiser une confrontation inter-établissements quand on prétend construire dans les COMUEs une stratégie de site partagée, il fallait oser !

Et pour être certain de compliquer les choses, le nouveau  texte aligne le régime électoral du Conseil académique sur celui du conseil d’administration de la COMUE ce qui permet d’avoir deux fois le même problème au lieu d’une seule. Quand « on » est incompétent et que « l'on » ne sait pas rédiger des lois, c’est jusqu’au bout.

Cette nouvelle affaire illustre jusqu’à la caricature toutes les dérives de ce gouvernement. 

jeudi 17 avril 2014

Les primes du cabinet Fioraso

Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse! En ces temps de gouvernement "Valls", le journal Le Figaro fait un travail d’investigation que Le Monde n’assure plus depuis longtemps et il nous gratifie d'une analyse intéressante sur les primes des cabinets du gouvernement Ayrault. L'information était déjà parue dans plusieurs publications en fin d'année 2013 ; elle mérite que l'on y revienne à propos de l'enseignement supérieur.

35.091 € c’est en moyenne ce que Mme Fioraso a versé à 10 membres de son cabinet en 2013. Comme c’est une moyenne, cela signifie que certains ont eu moins… et d’autres beaucoup plus. Attention, nous ne parlons pas ici de la rémunération de ces brillants conseillers ; nous ne parlons que de la prime qui s’ajoute à cette rémunération. Quand on lit la LRU2 concoctée par ces conseillers, on se dit que c’est cher payé. A titre de comparaison, les universités ont reçu 31.600 € en 2014 pour les emplois créés au titre de la promesse électorale de François Hollande (59.000€ en année pleine promis pour 2015).

Le même document permet de constater que, lorsqu'elle était ministre, Mme Fioraso faisait preuve de largesse avec ses collaborateurs, mais aussi qu’elle multipliait le nombre de ces collaborateurs ! Le cabinet comptait 61 agents en 2013 dont 14 « politiques ». A titre de comparaison, le cabinet de Vincent Peillon en comptait autant pour toute l’éducation nationale et le ministère du Budget, à qui les conseillers de Mme Fioraso, imputent la responsabilité des problèmes financiers que rencontrent les universités ( à part égale avec les présidents d’universités voués aux gémonies) ne comptait que 57 membres … Enfin, nous étions loin de l'affichage paritaire puisque Mme Fioraso s'était entourée des conseils de 11 hommes ... et 3 femmes.

Les premières nominations au cabinet de la nouvelle secrétaire d'État n'annonçant pas de changement sur ces pratiques et puisque nous avons débuté ce billet par un vers de Musset, finissons le par les vers qui lui succèdent ; ils pourraient décrire la stratégie du nouveau gouvernement sur l'enseignement supérieur : « Faites-vous de ce monde un songe sans réveil ».

mardi 8 avril 2014

Pétition contre Think-tank : la lutte d'influence

Il aura suffit d’un "à bientôt" maladroit lors de la passation de pouvoir entre Benoît Hamon et Geneviève Fioraso et d’un nouvel article complaisant du journal Le Monde pour qu’une pétition contre la politique de Geneviève Fioraso recueille près de 8.000 signatures en quelques jours.

Le texte de cette pétition est long, détaillé. Il reprend toutes les critiques qui peuvent être adressées à la politique incarnée par Geneviève Fioraso depuis juin 2012. Il a pourtant été très vite relayé sous une formule beaucoup plus lapidaire :" Contre Fioraso au gouvernement!". Et cette formule a fait florès.

"Tout sauf Fioraso" ou plutôt "Tout sauf le système qu'elle représente". Ce système, c'est celui qu'a mis en place un petit groupe de personnes qui ressassent les mêmes lubies depuis 15 ans et défendent leurs intérêts à travers des "think-tank" comme le groupe "Marc Bloch". Longtemps favorables aux projets de Nicolas Sarkozy et de Valérie Pécresse, ils ont misé sur François Hollande à la présidentielle et ont profité de son élection. Ce groupe, inactif depuis que Lionel Collet est devenu directeur de cabinet de Mme Fioraso, a brusquement repris du service pour soutenir la candidature de l'ex-ministre de Jean-Marc Ayrault à un poste de secrétaire d'État dans le gouvernement de Manuel Valls.

Ce maintien en fonction ne répond à aucune rationalité politique. Depuis l'affaire CORYS, Geneviève Fioraso est de tous les échecs de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Elle n'a jamais été considérée comme une ministre à part entière, au mieux le prête-nom de son mentor, Michel Destot, au pire "une erreur de casting". Elle a participé à la promotion du "modèle grenoblois" du même Destot qui vient d'être sévèrement sanctionné par les électeurs aux dernières municipales. La loi sur l'enseignement supérieur qui porte son nom restera, certes, dans les annales, mais ce sera pour ses incohérences et ses erreurs de rédactions multiples. Elle n'aura même pas été capable d'assumer ces erreurs et c'est finalement le ministre de l'agriculture qui aura défendu un amendement sur les Communautés d'universités et d'établissements dans la loi d'orientation agricole!

Pourtant, malgré toutes ces casseroles, ou justement à cause de ces casseroles, les think-tanks s'agitent pour que Mme Fioraso soit secrétaire d'État. D'une certaine façon ce n'est que Justice. Il faut le reconnaître, jusqu'à la fin de son mandat, Mme Fioraso a servi les clientèles qui l'ont choisie, diffusant le cadrage de l'appel d'offre IDEX 50 minutes avant que la démission de Jean-Marc Ayrault soit officielle et préparant, avec la complaisance du président de la République, le parachutage à la tête de l'INSERM d'un conseiller spécial de son cabinet.

Aujourd'hui ces intrigues d'un petit nombre d'affidés se heurtent à une pétition qui rapproche par milliers toutes les sensibilités du monde scientifique dans une critique commune.

Restera, restera pas? Telle est la question, l'espoir pour quelques-uns, la crainte pour beaucoup d'autres, à laquelle le président et le premier ministre répondront dans les heures qui viennent. Mais cette question n'a plus grand intérêt, noyée sous les signatures qui se sont accumulées à une vitesse surprenante. Toute honte bue, Geneviève Fioraso peut passer du statut de ministre à celui de simple secrétaire d'État, elle a déjà perdu toute crédibilité.



C'est reparti!

Cela fait plusieurs mois que ce blog était en sommeil. Le temps manquait.

Démontrer les mensonges d'une ministre aux abois, répondre aux attentes d'une communauté d'étudiants et d'universitaires cela prend beaucoup de temps et tenir un blog aussi! Il fallait choisir et mettre cette volonté de dénoncer la politique actuelle de l'enseignement supérieur et de la recherche en balance avec d'autres nécessités, d'autres envies aussi, comme celle de revenir vers la recherche qui me manquait beaucoup.

Et puis le conflit qui a opposé mon université au Ministère cet automne imposait une certaine réserve. Les mésaventures de Pierre Dubois, sermonné comme un gamin par Educpro parce qu'il avait eu l'outrecuidance de critiquer un peu trop vivement la ministre dans son blog, illustrent la fragilité du bloggeur.

Un blog n'est pas un journal, il permet d'exprimer un point de vue, mais il manque ce dialogue rédactionnel, cette confrontation des points de vue qu'offre la Presse. Au moindre écart, réel ou supposé, le blogger est bien seul pour assumer des propos qui, le plus souvent, ne sont que l'écho du ressenti des lecteurs.

On peut approuver ou désapprouver les propos de Pierre Dubois ou les miens, mais Pierre Dubois a une vertu: celle de dire largement, et avec un style vif et passionné, tout le malaise de ceux qui s'investissent dans l'enseignement supérieur et la recherche et qui voient ce grand dessein malmené par des politiques à courte vue.

Pierre Dubois a déménagé, son blog est toujours aussi intéressant à lire et je vous invite à vous y abonner. Le mien reprend du service!