jeudi 13 juin 2013

SYMPA : Vive les inégalités!


"Vive les inégalités!"

C'est bien en ces termes que l'on peut résumer les propositions faites par Mme Gillot, sénatrice socialiste et par M. Adnot sénateur "sans étiquette" dans leur rapport d'information sénatorial sur le bilan consolidé des sources de financement des universités.

Ces deux éminents sénateurs ne sont pas n'importe qui. Mme Gillot est aussi rapporteur du projet de loi LRU2 de Mme Fioraso au Sénat et M. Adnot était un des promoteurs enthousiastes de la loi LRU et du modèle SYMPA.

Même avec beaucoup d'aveuglement il était pourtant impossible à ces sénateurs de ne pas reconnaître l'échec du modèle SYMPA quand 1/4 des universités est en déficit et plus de la moitié dans une situation financière précaire qui les oblige à utiliser des expédients pour masquer l'ampleur de leurs difficultés.

En 2008 M. Adnot expliquait que le système SYMPA apporterait "plus d'équité entre les universités". Aujourd'hui, avec Mme Gillot, M. Adnot est obligé de constater que le modèle SYMPA n'a pas permis de réduire les inégalités entre les universités ; bien au contraire. SYMPA est un système structurellement inégalitaire, et ce à tous les niveaux.

Inégalité entre les écoles et les universités tout d'abord, les premières bénéficiant de financements très confortables quand les secondes doivent gérer l'essentiel des jeunes en formation supérieure avec de maigres moyens.

L'inégalité existe aussi entre la formation et la recherche et Mme Gillot et M. Adnot sont obligés de reconnaître que les IDEX, LABEX et autres dispositifs clientélistes qui prennent sur les moyens existants favorisent le financement de la recherche, en particulier en sciences exactes, au détriment de l'enseignement.

Inégalité au niveau disciplinaire ensuite. Les formations et la recherche en Lettres, Langues, Arts, Sciences Humaines et Sociales, Droit, Économie et Gestion sont très fortement pénalisées. Selon l'IGAENR on compte 1,97 enseignants pour 100 étudiants en licence "tertiaire" (LLASHS et DEG) contre 7,18 enseignants pour 100 étudiants dans les IUT "secondaires" (Sciences "exactes"). L'État consacre en plus, en crédits de fonctionnement, 300 €/an et par étudiant aux licences "tertiaires" contre 1094 €/an et par étudiant aux IUT "secondaires".

SYMPA est aussi un système profondément inégalitaire au niveau des formations. Alors que la ministre prétend dans sa communication que la licence est l'enjeu majeur de son action, le rapport de Mme Gillot et de M. Adnot confirme que l'État consacre moins de moyens à la formation des étudiants en licence qu'à celle des étudiants de master.

On compte 50,67 étudiants par enseignant en licence tertiaire contre 42,68 étudiants par enseignant en master tertiaire et 23,22 étudiants par enseignant en licence secondaire contre 19,56 étudiants par enseignant en master tertiaire. Il est vrai que cette encadrement reste ridicule si on le compare à celui des IUT: 18,58 étudiants par enseignant dans le tertiaire et seulement 13,93 étudiants par enseignant dans le secondaire! (source IGAENR)

Inégalité sociale aussi car le modèle SYMPA ne compense que partiellement l'exonération des boursiers. En master notamment, ce sont les universités qui financent l'exonération des boursiers. Elles sont en outre doublement pénalisées puisque l'absence de droits d'inscription limite leurs ressources propres et donc leur plafond d'emplois. Avec SYMPA plus on forme de boursiers, moins on peut créer de postes pour les encadrer.

Devant tant d'inégalités, on pourrait penser que Mme Gillot et M. Adnot vont proposer de revoir le modèle SYMPA pour enfin rétablir "plus d'équité entre les universités" au profit des étudiants les plus défavorisés. Ce serait un changement... maintenant...

Il n'en est rien. "Vive les inégalités!" semblent dire en coeur ces deux sénateurs.

Les inégalités entre la recherche et l'enseignement? "Il serait pour le moins paradoxal que les 300 millions d'euros par an des investissements d'avenir, bénéficiant majoritairement à la recherche, soient en partie "annulés" par une réforme de SYMPA". C'est la proposition n°2 de Mme Gillot et M. Adnot: surtout ne rien changer et renoncer à faire de la formation des jeunes une priorité !

Les inégalités entre le secteur tertiaire et le secteur secondaire? "Les moyens par étudiants sont environ deux fois plus faibles dans le cas des formations tertiaires que dans celui des formations secondaires (et ce en licence comme en master)"... "Si un "rééquilibrage" au profit des formations "tertiaires" est peut-être souhaitable à terme, le moment ne paraît pas le mieux choisi". C'est la proposition n°3 de Mme Gillot et de M. Adnot : surtout ne rien changer et laisser les 2/3 des étudiants se répartir 1/3 des financements quand 2/3 des financements profitent à 1/3 des étudiants !

Les inégalités entre la licence et le master? C'est "un enjeu à relativiser"! Et si un rééquilibrage est bien envisagé, proposition n°10, c'est juste pour compenser la baisse des crédits alloués à la licence si le "Plan réussite en licence" intègre l'enveloppe globalisée du modèle SYMPA: surtout ne rien changer vous dis-je!

Inutile de continuer, quand une sénatrice PS et un sénateur "sans étiquette" cosignent un rapport parlementaire il n'est pas besoin de multiplier les exemples pour se convaincre que le changement ce n'est pas pour demain.

dimanche 2 juin 2013

LRU2 à l'Assemblée Nationale : un scrutin exemplaire


Le vote par seulement 41 voix d’avance de la loi LRU2 à l’Assemblée Nationale mardi est exemplaire à bien des égards.

Exemplaire d’abord par la décision courageuse du groupe écologiste de ne pas approuver la loi. D’accord sur la nécessité de faire évoluer la LRU, le groupe écologiste a réalisé un travail considérable pour améliorer le texte et lui redonner un sens, une ambition. A travers les amendements qu’elle a défendu, Isabelle Attard, députée écologiste du Calvados, a voulu réaffirmer le rôle central du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, son indépendance et celle des universités. Ce n’était pas l’objectif du gouvernement et des députés socialistes qui, au contraire, se sont attachés à servir avec zèle les mêmes lobbies, nucléaire, industrie pharmaceutique, transports, agro-alimentaire et communication.

C'est bien à une privatisation et à une régionalisation à marche forcée de l'enseignement supérieur que s'est livré le Parti Socialiste. Mise en concurrence du public et du privé pour l'accréditation des formations, délivrance des diplômes de master par les établissements privés (au prix d'une confusion savamment entretenue par le rapporteur HEC de la loi entre grade et diplôme) première étape avant la possibilité annoncée de donner le doctorat aux établissements privés, intervention du privé dans les comités de sélection et le recrutement des enseignants-chercheurs et même légalisation des conflits d'intérêts avec la création d'un article 43 bis nouveau qui permet aux chercheurs du privé d'intervenir dans les laboratoires publics et prévoit que l'État, dans ce cas, remboursera le salaire aux entreprises dont sont issus ces chercheurs!