mercredi 15 avril 2020

Sup : le Jour d’Après


“any man's death diminishes me,
because I am involved in mankind.
And therefore never send to know for whom
the bell tolls; it tolls for thee”.
John Donne
Méditation XVII (1624)




Est-ce le traumatisme de la pandémie, la fragilité de nos existences qui se révèle soudain à nous ou l’oisiveté du confinement, les chroniques sur le Jour d’Après se multiplient. Trop tôt diront certains. Pourtant, alors que nous mesurons chaque jour les conséquences dramatiques de l’imprévision de nos gouvernants, se projeter dans l’Après est une nécessité. C’est même tout le projet des politiques publiques et du droit qui les accompagne. Et puis le Jour d’Après n’est pas un horizon lointain. Il est là, à notre porte et, pour l’enseignement supérieur, il commence en septembre.

Il se peut, d’ailleurs, que ce Jour d’Après ressemble au Jour d’Avant ; par choix ou par nécessité. Par choix, parce que les égoïsmes l’emporteront sur la solidarité, parce que les bienheureux, épargnés dans leur chair et dans leurs biens, refuseront de renoncer à leur félicité. Par nécessité, parce que les contraintes que la pandémie impose seront jugées plus insoutenables que le mal lui-même. La Nation cèdera devant le virus ou elle fera avec.

dimanche 1 mars 2020

En Marche vers le SUP à deux vitesses ?





En pleine mobilisation contre la LPPR, la République En Marche éprouverait-elle des difficultés à assumer ses coups tordus ? Après les candidats LaRem « sans étiquette » aux municipales (ou aux élections universitaires), le 49.3 passé en douce un samedi après-midi, le gouvernement nous prépare-t-il en catimini la recomposition du SUP ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser à la lecture d’un discret paragraphe en annexe du nouvel arrêté relatif au cahier des charges des grades universitaires de licence et de master. On remerciera SLU Orléans d’avoir levé le lièvre.

mercredi 29 janvier 2020

Être président d'université au temps de "l'excellence"

C'est période d'élection et... de réflexion dans mon université. Anne Fraisse et les collègues qui la soutienne (comme moi) ont diffusé un texte dont la portée me semble dépasser le seul cadre de notre université. Je vous le livre ici.


Peut-on « gérer » une université sans s’engager sincèrement dans le débat national sur l’avenir de l’ESR (Enseignement Supérieur et Recherche) ?

Déclinaison de l’offre de formation par « compétences », disparition de la labellisation des Équipes d’Accueil (EA), « réflexion » sur le statut des Unités Mixtes de Recherche (UMR), création des «universités expérimentales », réforme des retraites, « CDI de projet » pour les chercheurs, annonce d’un projet de loi Recherche qui créerait un système de recrutement provisoire des enseignants-chercheurs sur 4 à 6 ans avant titularisation (la « tenure track » américaine), refonte du corps des Maîtres de Conférences (MCF) et, finalement, scandale de la candidature à la présidence du HCERES du conseiller Enseignement Supérieur et Recherche de l’Élysée : les annonces se multiplient, le rythme s’accélère pour achever au plus vite la « transformation » des universités et mettre un terme au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ces transformations peuvent se résumer en 3 mots : précarisation, caporalisation, régionalisation.

samedi 9 novembre 2019

L’autonomie des universités au secours de la gratuité du SUP ?



Et si la pseudo « autonomie » qui a plongé les universités françaises dans la crise se retournait contre ses auteurs ? Si les colifichets du « Nouveau Management Public », ces RCE, RGPD, LOLF, RIFSEEP, GBCP et autres acronymes avec leur cortège de cabinets, d’auditeurs, d’inspecteurs, d’experts en « conduite du changement » et de chargés de mission, version contemporaine des sangsues des bons docteurs du néo-libéralisme, si ces pesanteurs technocratiques faites « d’indicateurs de performances » et de « contrats d’objectifs et de moyens » permettaient aux étudiants étrangers, mais aussi français, de donner un coup d’arrêt à la marchandisation de l’enseignement supérieur public et à l’augmentation des frais d’inscription ?

Modicité intrinsèque

Après la décision du conseil constitutionnel d’autoriser la perception de droits d’inscription « modiques », nonobstant les termes pourtant explicites du préambule de la constitution de 1946 consacrant le principe de gratuité, la ministre prétend qu’il n’en est rien, que rien ne change. À propos de la bien mal nommée « Stratégie Bienvenue en France », elle affirme que des droits d’inscription de 2.770€ en licence et 3.770€ en master seraient « modiques » en comparaison du coût des formations qui serait, en moyenne, de 11.670 € dans le supérieur (MESRI, Repères et références statistiques 2019, p.332). On ne peut que lui donner tort. Le Conseil constitutionnel est très clair : la modicité renvoie à des droits « intrinsèquement peu élevés » (C. constit., Commentaire de la décision n°2019-809 QPC du 11 oct. 2019, p.15). Le caractère modique s’apprécie donc dans l’absolu.

mercredi 20 mars 2019

CéVEC : le gouvernement (toujours) aux petits soins pour le SUP Privé !

Après Parcoursup, c’était le coup de grâce de la rentrée universitaire pour tous les étudiants : la CéVEC. La « contribution de vie étudiante et de campus » à 90€ qui faisait flamber les frais d’inscription dans le SUP public. Telle Perrette, la CPU, cotillon simple et souliers plats, avait soutenu la mesure les yeux brillants, comptant déjà dans sa pensée tout le prix de son lait. Il fallu bien déchanter lorsque la loi ORE confia aux CROUS la manne tant espérée, mais le mal était fait.

Précision importante pour la suite, la CéVEC est un impôt. À force de propagande, les thuriféraires de l’excellence et du libéralisme qui nous gouvernent avaient donc réussi l’exploit de créer le premier impôt sur l’accès au Savoir.

lundi 18 février 2019

Pour s'approprier les réformes : Vive le CONSTERNATHON !


Il y a peu, Newstank, la revue spécialisée dans l’éducation consacrait un article à l’Educathon organisé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Judicieusement, Newstank restituait une interview de la conseillère éducation au cabinet de la ministre du SUP afin de nous permettre de comprendre en quoi consistait un Educathon.

À la lecture j’ai cru à une parodie. On apprend que le ministère a réuni pendant 2 jours 150 collègues à l’esprit juvénile afin de produire des outils destinés à faciliter la mise en œuvre de la loi ORE. À les voir toutes et tous en photos on pense à « La vie est un long fleuve tranquille » avec son spectacle paroissial de fin d’année. Pas si étrange : un des animateurs, pardon, des « cabinets de conseil », est à l’origine du fameux ( ?) « Hack my church » organisé en l’église Sainte Blandine de Lyon - grâce au soutien de la Fondation Saint-Irénée - pour « voir l’invisible » et « pourquoi pas un chapelet connecté »… Au point où nous en sommes avec Vidal et Blanquer, s’en remettre à la miséricorde divine n’est peut-être pas si absurde.

lundi 31 décembre 2018

En Martinique les maîtres-chiens plutôt que des assistants d’éducation ?

crédit image : @acmartinique


Alors que 96 postes seront supprimés dans l’enseignement secondaire à la prochaine rentrée en Martinique (Le Monde, 19 déc. 2018), c’est avec beaucoup de fierté que le préfet de police, le procureur de la République et le recteur ont annoncé sur les réseaux sociaux la signature d’un «protocole de contrôle des armes et des stupéfiants en milieu scolaire ». Le texte qui, à ma connaissance, n’a pas été rendu public, serait destiné, selon la presse, à « établir, en concertation avec les différents signataires, les conditions dans lesquelles les opérations de recherche de stupéfiants et d'armes en milieu scolaire doivent être réalisées, afin qu'elles concilient efficacité, respect de l'élève et sérénité au sein de la structure éducative ».

Plus précisément : « le contrôle du ou des élèves se déroulera dans un local autre qu'une salle d'enseignement » et « la présence de maîtres de chiens est acceptée eu égard à l'objet du contrôle ». Au terme du contrôle, « le procureur de la République autorise le responsable des forces de l'ordre présent à communiquer au chef d'établissement, à l'issue de l'opération, les données anonymisées concernant le nombre d'élèves ou de classes contrôlés et le nombre d'élèves trouvés en possession de stupéfiants ». Clairement, la question des armes est un prétexte, c’est bien la chasse aux jeunes consommateurs de stupéfiants qui est organisée 3 jours avant la veillée de Noël.